L'actuelle église Notre-Dame d'Auteuil dans le seizième arrondissement de Paris, fut construite à partir de Juillet 1877, sous la direction de l'architecte Emile Vaudremer (1829-1914), sur l'emplacement de la vieille église du XIVème siècle devenue trop petite et vétuste. L'édifice s'élève en forme de croix latine, dans le style romano-byzantin ; il est pourvu d'un clocher composé de deux cônes bulbeux, où se trouve une cloche, Marie, provenant de l'ancienne église et installée là en 1884. Fondue en 1565, elle porte l'inscription suivante :

Lan 1565 nous fusmes faictes
par tous les habitants Dauteuil et fus
nommée Marie, alors marguilliers
Pierre Attray et Etienne de Villiers.

L'église, détruite en 1877, avait été la première fondation de Saint-Germain-l'Auxerrois. Charles Gounod s'y était marié en 1852. C'est à l'initiative du Curé Lamazou, qui devint évêque de Limoges et mourut, en 1883, évêque nommé d'Amiens, que l'on doit l'actuelle église Notre-Dame, achevée en 1880.

Le grand orgue, construit par Aristide Cavaillé-Coll, fut placé vers 1882. Il comptait alors 32 jeux répartis sur deux claviers manuels de 54 notes et un pédalier de 30 notes, abrités dans un buffet de style néo-roman à trois plate-faces et quatre tourelles. L'instrument fut agrandi en 1934 par la Maison Gloton-Debierre, qui porta l'étendue des manuels à 56 notes et celle du pédalier à 32 notes, tandis que le nombre des jeux passait à 53, sur trois claviers. On électrifia les transmissions, ce qui permit l'adjonction de 6 combinaisons fixes et 8 combinaisons ajustables. En 1962-1963, Jacques Picaud et Jacques Barbéris, représentants à Paris de la manufacture Beuchet-Debierre, procédèrent au dépoussiérage de l'orgue et à un premier relevage.

Un demi-siècle après les travaux qui donnèrent à l'orgue de Notre-Dame d'Auteuil sa physionomie actuelle, un grand relevage vient d'être mené à bien, en 1983-1984, par le facteur Jacques Barbéris et son équipe.

Les travaux ont consisté en un nettoyage complet, accompagné de la remise à neuf des pièces défectueuses, en particulier la peausserie des soufflets, de la révision des tirages de jeux, gosiers, réservoirs, de la suppression des fuites d'air, du réglage général des contacts, électros, commandes de notes, etc... Les facteurs se sont acquittés de leur tâche avec une minutie et une conscience dignes d'éloges, rendant à l'instrument jeunesse, éclat, noblesse et ampleur. Ajoutons que le buffet a été verni par les soins de l'ébéniste d'art Marcel Fauvet. Ce grand relevage a été décidé par les services compétents de la ville de Paris, qui l'ont largement subventionné.

La composition du grand orgue de Notre-Dame d'Auteuil, inchangée, est la suivante :

Grand Orgue : Montre 16', Bourdon 16', Montre 8', Bourdon 8', Flûte harmonique 8', Salicional 8', Prestant 4', Flûte douce 4', Doublette 2', Cornet V, Fourniture V Cymbale IV, Bombarde 16', Trompette 8', Clairon 4'.
Positif expressif : Principal 8', Bourdon 8', Flûte creuse 8'. Flûte 4', Quinte 2 2/3', Quarte 2', Tierce 1 3/5', Larigot 1 1/3', Fourniture IV, Cymbale IV, Trompette 8', Clairon 4', Cromorne 8'.
Récit expressif : Quintaton 16', Cor de nuit 8', Flûte traversière 8', Gambe 8', Voix céleste 8', Flûte octaviante 4', Octavin 2', Nasard 22/3', Fourniture IV, Bombarde W, Trompette 8', Clairon 4', Voix humaine 8', Hautbois 8' (+Tremblant).
Pédale : Soubasse 32', Soubasse 16', Flûte 16', Principal 8', Basse 8', Flûte 8', Flûte 4', Fourniture IV, Bombarde 16', Trompette 8', Clairon 4'.
Tirasses G.O., Pos., Réc.
6 combinaisons fixes
Accouplements Pos./G.O., Réc./G.O., Réc./Pos. 8 combinaisons ajustables
Anches Péd., G.O., Pos., Réc.
Tutti
Tirasses, accouplements et appels d'anches sont commandés manuellement ou par rotules au pied.

Achevés en Août 1984, les travaux ont donné lieu, le dimanche 9 Décembre de la même année, à un récital de réinauguration donné par Henri Veysseyre, titulaire de l'instrument depuis 1950. Au programme figuraient surtout, hormis le choral de Noël Wie schön teuchtet der Morgenstern de J. Pachelbel et deux œuvres de J.-S. Bach (Prélude et Fugue en mi mineur BMW 548, et Grave, transcription du deuxième mouvement du concerto en fa mineur pour clavecin et cordes) des pages de musique française, de C. Balbastre (Noël Votre bonté, grand Dieu), C. Saint-Saëns (Prélude et Fugue en mi bémol majeur), L. Vierne (Cathédrales, extrait de la quatrième suite des Pièces de fantaisie opus 55) et J. Langlais (Récit de Nasard et Méditation sur les fonds extraits de la Suite française ; Les Rameaux inspirés de l'antienne grégorienne Hosanna Filio David). Henri Veysseyre conclut avec deux de ses propres compositions : une oeuvre descriptive des souffrances du Christ homme au jardin des Oliviers (In Monte Oliveti) et une Toccata-carillon construite sur la séquence pascale Victimae paschali laudes, qui spécule sur les effets d'intervalle de quarte.

Né en 1924, Henri Veysseyre fut dès l'âge de treize ans titulaire d'un orgue. Il prit possession, nous l'avons dit, de la tribune de Notre-Dame d'Auteuil en 1950. La firme SEL (1, rue de l'Abbé-Grégoire, 75006 Paris) a produit en 1979 un album discographique enregistré par lui aux claviers de son instrument et intitulé Vitrail. Ce disque toujours disponible propose des oeuvres de Bach, Balbastre, Walther, Mendelssohn et Vierne, ainsi que des oeuvres composées par l'interprète lui-même : Vitrail (pièce descriptive) et Te Deum (paraphrase construite en 1949 à partir des trois thèmes principaux du Te Deum laudamus). Ce musicien discret gagne à être connu, aussi bien comme exécutant que comme compositeur. On ne peut que se réjouir de le voir disposer désormais d'un instrument à la mesure de son talent aux ressources multiples et souple dans son maniement.

L'orgue de Notre-Dame d'Auteuil sonne avec générosité dans un édifice très réverbérant. On peut juger ses jeux de fond un peu "gras" pour l'exécution de la musique ancienne, mais il est superbe dans le répertoire romantique et symphonique, comme dans la littérature des contemporains.

"Jeunesse et Orgue" n°64 printemps 1986

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